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Tirages numériques sur Fuji Frontier:
comment obtenir des tirages fidèles aux fichiers

Auteur: pehache (p e h a c h e _ p r i m @ l a p o s t e . n e t)
Révision: 2.8 (15 Oct 2005)

Résumé

Ce qu'il faut savoir sur la Fuji Frontier afin de faire tirer au mieux ses fichiers numériques et obtenir des tirages fidèles aux fichiers: respect des couleurs, des luminosités, etc.... Cela passe par la gestion des couleurs, avec des profils ICC, et par les moyens de s'assurer qu'aucune correction automatique n'est appliqué aux images. 

Les renseignements présents sur cette page ont été glanés au cours de nombreuses pérégrinations, notamment auprès de (dans le désordre):

1 - Introduction

La (ou le, c'est au choix) Fuji Frontier est une tireuse numérique (ou encore un minilab numérique). Ou plutôt une gamme de tireuses, avec plusieurs modèles qui se différencient principalement par le débit de production. Une configuration typique comprend:

D'autres tireuses numériques (Agfa, Noritsu..., pour ne citer que les plus connues) sont aussi bonnes -voire meilleures d'après certains- que la Frontier, mais le parc installé est clairement en faveur de cette dernière. Vous avez donc beaucoup de chances d'avoir affaire à elle un jour ou un autre, d'où cette page...

La qualité obtenue par les tireuses numériques peut être excellente. Leur arrivée il y a quelques années sur le marché des tirages grand-public a permis un bond en avant de la qualité moyenne de ces travaux. Il faut certes toujours un opérateur qualifié pour faire fonctionner la machine et optimiser les tirages, mais les nombreux automatismes de correction automatique et d'optimisation des images font parfois des miracles.

Cela dit, dans le cas présent nous ne sommes pas intéressés par ces automatismes, au contraire. Nous voulons obtenir des tirages le plus fidèles possibles (couleurs, luminosité, etc...) aux fichiers fournis, donc sans correction aucune. Mais paradoxalement, c'est loin d'être évident si l'on ne connaît pas un minimum de choses sur le fonctionnement de la machine.

Il va de soi que tout ceci n'a de sens que si l'on est capable de visualiser les images sur un écran calibré, qui reproduit les "bonnes" couleurs. Ce qui implique une chaîne graphique calibrée dans son ensemble, basée sur des profils ICC. Si tout cela est du chinois pour vous, je vous conseille de commencer par la lecture des pages d'Arnaud Frich sur le sujet.

2 - Calibration de la Frontier

Ce travail est celui de l'opérateur, et l'utilisateur n'a pas besoin d'en connaître les détails (d'ailleurs je ne les connais pas). Les labos sérieux font une calibration par jour, voire plus.

Attention: il ne faut pas confondre calibration (alignement au mieux du périphérique sur un comportement de référence, en agissant sur ses réglages et paramètres logiciels) et caractérisation/profilage (analyse du comportement du périphérique, avec édition d'un profil ICC). Si la caractérisation est évidemment indispensable, la calibration ne l'est pas: on peut parfaitement caractériser un périphérique non calibré (c'est d'ailleurs souvent le cas pour les imprimantes jet d'encre personnelles).  La calibration a toutefois l'avantage de rapprocher le périphérique d'un comportement de référence, rendant la caractérisation moins dépendante de l'exemplaire particulier du périphérique caractérisé: le profil peut être considéré comme "générique", s'appliquant à tous les périphériques du même modèle utilisés dans les mêmes conditions.

Une tireuse mal calibrée va provoquer notamment des bascules de couleurs sur les tirages: ces bascules, si elles sont faibles, ne se mettent pas facilement en évidence sur un tirage couleur. Le test imparable consiste à faire tirer une image numérique N&B: les gris doivent être parfaitement gris, et la moindre bascule se voit immédiatement.

Il va de soi que si la calibration de la tireuse est mauvaise à la base, il est impossible pour l'utilisateur d'obtenir de bons résultats, et tous les conseils ci-dessous n'y pourront rien: une bonne calibration par l'opérateur est indispensable. Il ne faut pas hésiter à tester plusieurs labos pour en trouver un bon de ce point de vue là.

Une fois effectuées, les calibrations sont actives quel que soit le mode de tirage utilisé.

3 - Les modes de tirage de la Frontier - Espaces couleurs

Tout d'abord il faut savoir que la Frontier ne gère pas les profils ICC. Les profils éventuellement incorporés dans vos fichiers ne sont donc pas pris en compte. Cela ne veut toutefois pas dire que la Frontier ne gère pas du tout les couleurs. Simplement, c'est une solution propriétaire qui est implémentée, avec une gestion simplifiée par rapport aux standards complets de l'ICC.

La Frontier a deux modes principaux de tirage: "sRGB" et "Print Direct/no convert" ("PD"). Le mode PD est assez confidentiel, la plupart des Frontier des labos grand-publics -pour ne pas dire toutes- étant exploitées en mode "sRGB". Les opérateur ne connaissent d'ailleurs souvent que ce dernier mode. Pour faire tirer en PD, mieux vaut s'adresser à un photographe de quartier qui tire sur place. Les labos en ligne ne le proposent pas (sauf peut-être des labos pros, je n'ai jamais essayé).

3.1 - Le mode "Print Direct" (PD)

Dans ce mode PD, le fichier est envoyé tel quel à l'unité d'impression. Le gamut natif de l'unité d'impression est donc utilisé. La comparaison de ce gamut à celui de l'espace sRGB montre qu'aucun des deux ne contient entièrement l'autre: certaines couleurs de sRGB sont dehors du gamut natif (et ne peuvent donc pas être imprimées à l'identique), tandis que certaines couleurs du gamut natif sont en dehors de sRGB.

Dans ce mode, le fichier est supposé être déjà dans l'espace couleur natif de la Frontier: il est donc indispensable de disposer du profil ICC de cet espace, afin de convertir les fichiers avant de les envoyer.

Un profil ICC générique pour le mode PD est disponible sur demande sur le site de Fuji Europe (voir la page http://www.fujifilm.de/engl/serv/farbm_faq.html). Si vous me contactez, je peux aussi vous le transmettre.
Edit 2012: autre lien vers le profil du mode PD (clic droit/enregistrer sous); attention toutefois : le profil date de 2004, et rien ne dit qu'il est toujours adapté aux Frontier actuelles...

3.2 - Le mode "sRGB"

Dans ce mode, les fichiers sont supposés être dans l'espace sRGB, qui est le standard de fait dans la photographie numérique grand-public et amateur (même si l'espace AdobeRGB est souvent privilégié par les amateurs avertis). Ils sont convertis vers l'espace Frontier natif par la Frontier elle-même.

Dans ce mode on obtient des résultats corrects au niveau fidélité des couleurs dès lors que les fichiers sont effectivement préparés en sRGB. Si ils ne le sont pas (si ils sont en AdobeRGB par exemple), il faut les convertir en sRGB avant de les envoyer.

Les résultats sont corrects, donc, mais pas totalement satisfaisants, avec des distorsions colorimétriques significatives, surtout dans les jaunes et les bleus. Bien sûr, le gamut natif ne contenant pas tout l'espace sRGB, il est impossible d'obtenir des tirages parfaitement conformes aux fichiers (ce problème est d'ailleurs commun à la grande majorité des systèmes d'impression). Néanmoins, certaines des distorsions observées me semblent un peu trop fortes pour que ce soit la seule explication. Le problème réside sans doute dans le moteur de conversion interne de la Frontier: on n'a aucun contrôle dessus (difficile d'obtenir ce genre de renseignement de Fuji), et il se peut que les algorithmes utilisés ne conviennent pas pour tous les types de travaux.

Heureusement, il est possible d'améliorer les résultats dans le mode sRGB. Il faut en fait considérer le mode sRGB comme une "boîte noire", qui reçoit un fichier et sort un tirage. Ce qui se passe entre les deux ne nous concerne pas. Si l'on dispose du profil ICC de cette boîte noire, il est parfaitement loisible de convertir soi-même les fichiers vers ce profil avant envoi au labo, en essayant plusieurs rendus -et éventuellement plusieurs moteurs de conversion- et en retenant la combinaison qui donnent le "meilleur" résultat.

Les tests montrent effectivement que cette façon de procéder améliore sensiblement la fidélité des tirages. L'intérêt c'est bien sûr que l'on maîtrise la conversion au lieu de dépendre entièrement de celle faite sur la Frontier. Il serait en fait plus logique de travailler directement en mode PD, mais comme dit précédemment il n'est pas toujours facile de faire tirer dans ce mode.

Un profil ICC générique pour le mode "sRGB" est disponible sur le site de Fuji Europe sur la page http://www.fujifilm.de/eng/serv_1120.html. Ce profil permet de vérifier qu'étrangement, le mode "sRGB" n'utilise pas la totalité du gamut natif de la Frontier, mais plutôt la partie commune entre le gamut natif et le gamut de l'espace sRGB.
Edit 2012: autre lien vers le profil du mode sRGB (clic droit/enregistrer sous); attention toutefois : le profil date de 2004, et rien ne dit qu'il est toujours adapté aux Frontier actuelles...

Exemple d'utilisation du profil ICC générique du mode "sRGB" de la Frontier.
gauche: image de départ (fichier en sRGB), visualisée à l'écran sans épreuvage.
milieu: tirage obtenu par l'envoi du fichier tel que
droite: tirage obtenu après conversion du fichier vers le profil du mode "sRGB" de la Frontier  (rendu "perceptuel")

Les images du milieu et de droite sont en fait des épreuvages des tirages sur le moniteur, en utilisant le profil ICC du mode "sRGB". Ces épreuvages reflètent plutôt bien les tirages réels.

Clairement, les tirages ont des couleurs moins saturées que l'image de départ. On note que le tirage après conversion est beaucoup plus proche de l'image de départ que le tirage sans conversion. Voir les jaunes, et également la transition jaune-vert sur l'échelle de couleur.

3.3 - intérêt relatif des modes "sRGB" et PD

Si vous travaillez en sRGB et ne souhaitez pas convertir vos fichiers avant envoi au labo, alors il n'y a qu'un seul choix valable: le mode "sRGB".

Si vous êtes prêts à convertir vos fichiers avant l'envoi au labo pour optimiser le tirage, alors le mode PD est en principe le plus pertinent: il permet d'accéder à la totalité du gamut natif de la Frontier, et accessoirement il permet d'éviter une conversion supplémentaire des fichiers. Le seul problème de ce mode est sa confidentialité: seul un photographe de quartier tirant sur place pourra éventuellement faire des tirages dans ce mode. Le mode "sRGB" est donc souvent un passage obligé, mais il constitue un compromis tout à fait satisfaisant.

3.4 - Commentaires additionnels sur les profils et les espaces couleurs

4 - Les corrections et optimisations d'images

Comme sur tous les minilabs, l'opérateur a la possibilité de corriger manuellement les images (luminosité et balance des couleurs principalement). Mais la Frontier peut également appliquer des corrections automatiques (appelées corrections DSC), qui tentent d'optimiser le contraste, la saturation, la nettetté apparente, et certainement d'autres paramètres que j'ignore.

Si il est facile de demander à ce qu'aucune correction manuelle ne soit appliquée sur les fichiers, le cas des corrections DSC est plus délicat. En effet, sur la Frontier elles sont toujours actives par défaut (ce qui n'est pas le cas sur la plupart des autres minilabs) et l'opérateur doit les désactiver image par image (ce qui est contraignant).

Heureusement, il existe des moyens de s'assurer que les corrections DSC ne seront pas appliquées sur les fichiers, quoi que fasse l'opérateur. En effet, elles ne s'appliquent que si toutes les conditions ci-dessous sont réunies:

Si l'on fait tirer en mode sRGB, un moyen simple de s'assurer qu'aucune correction automatique ne sera appliquée est donc d'enlever les en-têtes EXIF des fichiers. Si votre logiciel ne permet pas de le faire simplement, vous pouvez toujours utiliser cette méthode:

On m'a également indiqué un utilitaire permettant de supprimer directement les EXIF sans avoir besoin d'ouvrir et réenregistrer les fichier, mais je ne l'ai pas testé. Si ça vous tente: http://www.sentex.net/~mwandel/jhead.

A noter que certains labos permettent explicitement de sélectionner ou non les corrections automatiques (je connais au moins photoweb qui est dans ce cas-là, mais il existe peut-être d'autres).

5 - les Papiers

(ces infos datent de 2004. Certains papiers ont changé depuis...)

Les Frontier sont souvent utilisées avec le papier Fuji Crystal Archive. Ou plutôt avec un papier Crystal Archive, car il en existe plusieurs:

Je ne sais pas dans quelle mesure ces différents papiers ont le même rendu des couleurs et si les profils ICC génériques indiqués ci-dessus conviennent pour tous ou non. Je pense que oui, dans la mesure où l'étape de calibration doit compenser les éventuelles différences de rendu (c'est valable d'ailleurs pour d'autres papiers, y compris de marques différentes), mais je n'ai eu l'occasion de vraiment tester ce point.

http://www.fujifilm.ch/fr/fujifilm_foto/326.asp
http://www.fujihunt.com/fuji/fujihunt5.nsf/files/FUJI%20Info/$file/FUJICOLOR%20PAPER%20Lineup%20Sep2002.pdf

Conclusion

Voilà, vous savez tout, ou presque (en tous cas autant que moi), sur la Frontier et les couleurs. Y'a plus qu'à :-). N'hésitez pas à me contacter si besoin est.

Je n'ai pas abordé ici les problèmes de résolution, de taille des fichiers, et de leurs conséquences (rééchantillonnage, marges, images rognées, etc...). Ce n'était pas mon objectif au départ, et je n'ai fait aucun test dans ce sens. Le problème se pose un peu dans les mêmes termes que pour les couleurs, à savoir qu'il est difficile de faire la part des choses entre ce qui résulte des algorithmes de rééchantillonnage internes de la Frontier ou du réglage de la tireuse par l'opérateur (qui peut peut-être par exemple forcer un redimensionnement même si le fichier est préparé juste aux bonnes dimensions). Vous trouverez toutefois quelques tests dans ce sens et un tableau des dimensions exactes des tirages de la Frontier sur ces pages: http://fred.just.free.fr/Photo/frontier.html et http://fred.just.free.fr/Photo/fuji/result02/index.html (liens brisés apparemment, j'enquête...).