
[Extrait du n° 1 de la revue de l'Association Mémoire Collective en Béarn, "Archives de mémoire". Traduction en français de Louis Laborde-Balen.]
Après avoir échangé leur points de vue respectifs sur les dangers de l'ours, ils nous parlent des patous, ou "pâtous", ou pastous en béarnais.
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Jean-François Bayé-Pouey:
L'ours est donc l'ennemi du berger. Mais ce berger a, ou tout du moins avait, un compagnon précieux: le chien "pastou". Aujourd'hui il y en a beaucoup des "pâtous" : on en trouve même en ville, dans les appartements palois !
Jean Lassalle :
Ils ne doivent pas être très à l'aise, ceux-là, dans les appartements à Pau.
Jean-François Bayé-Pouey.:
Non je ne le crois pas ! Il faut qu'ils soient un peu dégénérés. Mais en ce temps là c'était, et ce sont encore pour ceux qui encore des brebis à garder, de solides chiens, beaux comme des porcs, et qui dévorent d'ailleurs autant qu'eux : il fallait autant de petit lait pour le "pastou" qu'il n'en faut pour rassasier un porc. Cette race de chien tout blancs, tu la connais, certes : et bien, c'est la race qui veut cela, elle est faite pour défendre les brebis. Tu le sais bien toi qui a été berger dans ton jeune temps. Et il ne faut pas s'amuser, au milieu d'un troupeau, à mettre la main sur l'échine d'une brebis, parce qu'au milieu de ces brebis il y a un chien "pastou". Il se comporte, tu le sais, exactement comme une brebis. le soir il se couche comme elle, au milieu d'elles. Le matin, quand elles montent vers la montagne, il part avec elles. Il ne pacage pas, parce qu'il ne peut pas paître, mais tu ne le vois pas parce qu'il est quand même au milieu d'elles. Essaye donc de la mettre, cette main, sur l'échine d'une brebis : tu vois aussitôt le "pastou" arriver, et si jamais tu fais un geste de plus, alors, le plus souvent, je ne donnerais pas cher de ta peau.
Le soir, quand le berger siffle et appelle pour rassembler son troupeau, c'est le chien labrit qu'il envoie pour le ramener. Le "pastou" ne pourrait n'en faire qu'une bouchée, de ce petit labrit ; mais il obéit ; il continue à se comporter comme une brebis ; il rentre avec elles et s'installe avec elles au milieu de l'enclos.
On disait autrefois que son rôle était de protéger les brebis contre les voleurs; (quelqu'Espagnol, peut-être, qui s'en viendrait prendre une ou deux bêtes); mais il les protégeait surtout contre l'ours. Car le "pastou" tient tête à l'ours. Il lui tient tête, et il essaye de l'empêcher de prendre les brebis.
Je me rappelle ceci, j'étais enfant, on me l'a raconté.
Un beau soir, allez, les sonnailles du troupeau s'agitent, et les brebis ne font qu'une masse serrée. Le berger se réveille sur l'instant, en une seconde il est debout en entendant les sonnailles dans le bercail...
J.Lassalle :
C'est la panique.
J-F Bayé-Pouey:
Oui, une véritable panique. le berger sort, crie et voit au clair de lune l'ours avec une brebis "sous le bras". Le voilà qui s'en va. Et le "pastou" part à sa suite. Et le "pastou" d'aboyer derrière l'ours. Et le berger de crier : "Pastou, té ! Pastou, té !" : parce que ce n'était plus la peine que le "pastou courre, le mal était fait. Mais le "pastou" ne voulait rien savoir, il partit derrière l'ours en direction de la forêt.
Le lendemain matin, à la pointe du jour, le "pastou" était de retour. Il n'était plus blanc, il était rouge de sang, déchiré de partout, mais il ramenait la brebis... Elle était morte, mais il l'avait arrachée à l'ours. Tel est ce "pastou" auxiliaire précieux du berger.